Sylvain Savolainen

Reporter / Photographe

Calcutta

Jack Preger: Spartacus à Calcutta

De catastrophes naturelles en guerres, l'aide et l'attention internationales suivent la globalisation: expresses et versatiles. Ephémères agitations, suivisme trop souvent amnésique des ballets de caméras, sans cesse avides de nouvelles breaking news. D’une couverture de magazine à l’autre, les drames sont classés, les images archivées et les cohortes de réfugiés sous tentes reléguées.

Pourtant à Calcutta, depuis une trentaine d’années, cela représente le quotidien du Dr Jack Preger. A travers son organisation Calutta Rescue, il dresse des cliniques de rue, traite, panse, nourrit et scolarise les réfugiés du besoin, les échoués des bidonvilles atteints de tuberculose, de malnutrition, de la lèpre et autres plaies de la pauvreté.

Ancien étudiant d'Oxford en philosophie, sciences politiques et économiques, Jack Preger exploite pendant plusieurs années une ferme dans le Pays de Galles. A trente-quatre ans, il décide de commencer des études de médecine afin de se consacrer au pays en voie de développement. A quarante-deux ans, le fils d'un petit épicier de la banlieue de Londres devient médecin. C'est le début des années 70, le Bangladesh est déchiré par la guerre et la famine. Jack Preger répond à un appel radiophonique demandant l'aide de médecins ; il s'engage vers ce qui scellera son destin : « Quand je suis arrivé au Bangladesh, je n'étais jamais vraiment allé dans un pays du Tiers-monde. Je n'avais jamais vu des camps de réfugiés comme ceux que j'ai vus là-bas, où les hommes se battaient avec les chiens pour la nourriture, où des cortèges de morts jonchaient le long du fleuve et les latrines des gares. J'étais arrivé en août et je soignais des hommes qui avaient été blessés en mars, dont les plaies pourrissaient depuis des mois. Ce genre de choses ne peuvent pas s'oublier facilement. Ce que j'ai pu voir se développe en soi et l'on apprend ainsi, lorsque nous sommes jeunes, des leçons qui nous guident dans notre vie et notre travail jusqu’à la vieillesse et la mort. »

Le Dr Preger reste sept ans dans les camps et les projets humanitaires du Bangladesh, jusqu’à son expulsion pour avoir dénoncé un trafic d'enfants destinés à l'adoption. Des membres d'une importante ONG européenne, ainsi que des responsables politiques du Bangladesh sont impliqués; on ne laisse que cinq jours au médecin pour abandonner son travail et quitter le pays.

Jack Preger traverse alors la frontière pour se rendre du côté indien du Bengale, à Calcutta, capitale de l’état du Bengale Occidental. « J'ai suivi les Bangladeshis à Calcutta parce que je savais que la pauvreté les poussait vers la mégalopole ».

Son action prend alors de l'ampleur, le nombre de ses patients également. Au fil des années, rejoint par des volontaires venus des quatre coins du monde et épaulé par du personnel indien, il forme ce qu’est devenue l’une des plus importantes et sérieuses ONG de Calcutta.